Dans le monde des impressionnistes du XIXe siècle, Henri Rouart est un personnage clef. A l’occasion du centenaire de sa mort le très beau Musée Marmottan Monet lui consacre sa première exposition monographique. Une bonne raison sur le Blog Sylvie de Soye pour vous parler de l’artiste, facette moins connue de cet homme à la destinée hors du commun. Et pour enrichir cet article, nous avons le privilège d’accueillir le commentaire de l’académicien Jean-Marie Rouart, son arrière-petit-fils.

 

 

Savez-vous que la famille Rouart a été au cœur de tous les mouvements littéraires et artistiques français de l’époque ? Par le jeu des mariages et des amitiés, la famille rassemble autour d’elle, Edgar Degas, Edouard Manet, Berthe Morisot, Stéphane Mallarmé, Auguste Renoir, André Gide, Ernest Chausson, Claude Debussy, Paul Valéry, Maurice Denis. Un tel environnement était propice à la créativité.

 

Henri Rouart (1833-1912) était l’incarnation de l’esprit universel. Il était ingénieur polytechnicien, inventeur, industriel prospère et artiste peintre à la fois. Grâce à sa fortune et sa passion pour la peinture, il a rassemblé une fabuleuse collection de tableaux et est devenu un mécène fort apprécié de ses amis impressionnistes dont les toiles étaient alors très abordables. Il était le grand confident et ami de Degas. Il a aidé ses confrères, mais curieusement n’a jamais été exposé.

 

Un peintre rare enfin exposé

 

Lorsque l’on déambule dans le Musée Mamottan Monet parmi les tableaux d’Henri Rouart, une impression forte d’intimité se dégage. Peut-être parce que le Musée a su à travers les différentes salles proposer au visiteur un voyage pictural plutôt qu’un accrochage classique. Le fait que les toiles proviennent presque toutes de collections privées, amicales, ou familiales, ne quittant leurs douillets salons que momentanément, participe à la sensation d’entrer dans sa sphère privée.

 

Un artiste de pleine nature

 

Nous découvrons un Henri Rouart profondément inspiré par son maître Jean-Baptiste Camille Corot. Au rez-de-chaussée se succèdent les toiles d’un grand aquarelliste et d’un paysagiste doué, avec de magnifiques vues du parc de la Queue-en -Brie, où il avait sa propriété. Le vert est sa couleur, et la nature triomphe au cœur de son œuvre. Henri n’était pas un peintre urbain, il aimait la pleine nature.

Notons la très belle et unique Nature morte aux géraniums (ci-dessus), où la tranche rouge des livres font écho aux pétales vermillons des géraniums, avec en fond un tableau espagnol de sa collection. Art, littérature, ce tableau est une très belle métaphore de la future famille Rouart.

Il est aussi un portraitiste appliqué sachant capturer le geste intime de ses proches (portraits de sa femme et de sa fille Hélène). Nous découvrons aussi un grand voyageur, véritable peintre nomade, ses carnets de croquis (également exposés) toujours à portée de main, qui sillonne la France, Collioure, le sud, l’Italie. Cette exposition nous plonge au cœur de la vie d’un homme raffiné. Rendons hommage au Musée Marmottan Monet de faire la lumière sur cette œuvre impressionnante.

 

 

 

Quand Jean-Marie Rouart pose un regard sur Henri Rouart :

 

On ne présente plus Jean-Marie Rouart, académicien, chroniqueur, journaliste et écrivain. Nous lui avons demandé de nous livrer un regard sur cet homme d’envergure. Une occasion de faire enfin dialoguer ces deux grands esprits le temps d’un article. Voici sa réponse.

 

«Quand je regarde cette exposition, je suis juge et partie. En effet, j’ai vécu entouré de ces tableaux, appartenant à mon histoire familiale. Henri Rouart était un très bon peintre, dans la ligne et la modération de Corot et de Millet qui l’ont influencé. Henri Rouart l’artiste était un homme différent de l’entrepreneur, un homme passionné qui accueillait toutes les expressions de l’esprit. Je me sens proche de cet homme-là. En tant qu’écrivain, je ne suis pas distant, je n’ai pas une vision étroite de la littérature. Je n’aime pas les spécialisations et trouve bon d’avoir plusieurs passions. Je suis dans les questions du monde, engagé. J’admire des personnages tels que Camus, Mauriac, qui participaient aux débats de leur époque. Ma question est toujours la même : pourquoi ces hommes n’ont-ils pas utilisé leur talent pour se mettre au service de grandes causes ? Je crois tout simplement que le combat d’Henri, c’était l’art !»

Jean-Marie Rouart vient de publier aux Editions Gallimard Napoléon ou La destinée.

 

Henri Rouart, l’œuvre peinte, Musée Mamottan Monet

Exposition prolongée jusqu’au 9 décembre 2012

 

 

En savoir plus sur la famille Rouart :

Lisez l’excellent Roman des Rouart de David Haziot, aux éditions Fayard, Goncourt de la biographie 2012.

Ou aussi, Deux sœurs : Yvonne et Christine Rouart de Dominique Bona aux Editions Grasset, qui vous éclairera sur les célèbres jeunes filles jouant du piano peintes par Renoir.

Peintures : Nature morte aux géraniums – Henri Rouart. Copyright Christian Baraja, Studio SLB.

Paysanne dans les champs – Henri Rouart. Fondation Annie et Denis Rouart Musée Mamottan Paris. Copyright Bridgeman Giraudon

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